Sous le feu des projecteurs pour la sortie du double cd "The Party/Alcazar Memories" qui lui a valu les éloges de la presse spécialisée, Paul Lay était sur la scène de l'Auditorium du CRD de Charleville-Mézières ce mardi 7 mars, pour présenter le trio qui a enregistré "The Party", soit Dré Pallemaerts à la batterie, Clemens Van Der Feen à la contrebasse, et bien sûr Paul Lay au piano.
Le concert débute comme le CD avec "The Party Begins", logique ! Une composition de Paul Lay qui pose les jalons de ce trio : un petit thème à priori dans la tradition du trio piano/contrebasse/batterie, qui doit autant aux neo-boppers tels que Phineas Newborn qu'à l'esthétique définie par Bill Evans. Mais au cours de ce concert, Paul Lay affiche progressivement son originalité et sa particularité : une science harmonique hors du commun, une sensibilité qui transcende les ballades aux accents bluesy, une retenue qui alterne avec des échappées brillantes à l'énergie de plus en plus débridée au cours du concert. Le trio est très cohérent, à l'écoute. Clemens Van Der Feen pose l'assise tout en restant près de la mélodie, soutenu par Dré Pallemaerts avec la subtilité qu'on lui connait ...
Les mélodies ou les arpèges de piano sont parfois soulignés par la contrebasse jouée à l'archet, apportant une respiration et une profondeur les mettant particulièrement en valeur.
Un morceau de Monk, "Thelonious", pour nous rappeler d'où vient cette musique, puis changement de ton lorsque Dré délaisse sa batterie pour jouer du rekk, tambourin indien qui soutient la composition "Regards Croisés". Plus le concert avance, plus l'énergie se libère. Les envolées de piano se font flamboyantes, propulsées par la batterie de Dré Pallemaerts qui s'en donne à cœur joie. L'occasion d'admirer le phrasé d'un Paul Lay qui se lâche, l'articulation de ses chorus, sa virtuosité jamais gratuite. Les compositions sont contrastées. Entre les ballades et les morceaux les plus débridés se glisse un titre aux accents gospel, "Droodoo" je pense, gorgé de soul, qui prend le temps de s'installer, se chargeant progressivement d'une émotion communicative, rappelant dans l'esprit un certain Keith Jarret, quoique que les harmonies soient différentes. Clemens Van Der Feen en profite pour nous offrir un chorus mémorable.
Un premier rappel nous offre une version très réussie et personnelle du standard "I Fall in Love too Easily", qui nous ferait presque oublier celle de Chet Baker. Encore une fois, le piano fait merveille !
Le second rappel est consacré à un morceau très énergique évoquant lui aussi les transes chères à Keith Jarrett. Dré Pallemaerts y développe un jeu très intense qui nous rappelle son admiration pour Jack De Johnette. Le public est entraîné dans le tourbillon, avant d'être déposé doucement sur des arpèges de piano subtilement doublés par les harmoniques de la contrebasse jouée en archet, de plus en plus silencieusement. Du grand art !
Patrice Boyer